NOS DERNIERS ARTICLES
La procédure de recueil du consentement aux actes et interventions médicales du majeur placé sous tutelle
Si la Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et son Décret d’application n° 2019-756 du 22 juillet 2019 sont intervenus dans différents domaines aussi variés que celui du droit de vote pour les majeurs placés sous tutelle (cf notre précédent article), le Droit de la famille, le droit au logement … ils sont venus clarifier deux points importants en Droit de la santé : celui relatif à la procédure de recueil du consentement aux actes et interventions médicales du majeur placé sous tutelle et celui qui concerne la procédure de recueil du consentement du couple ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneurs ou avec accueil d’embryon (Cf article suivant).
Cet article sera consacré à cette intervention limitée du juge en matière de recueil du consentement aux actes et interventions médicales du majeur placé sous tutelle.
Le Décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019 prévoit diverses mesures de coordination pour supprimer des dispositions du Code de la santé publique la référence au juge dans les procédures de recueil du consentement notamment aux actes et interventions médicales du majeur placé sous tutelle.
En ce qui concerne ce dernier point, l’article 9 de la Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 a modifié l’article 459 du Code civil pour venir préciser le principe selon lequel en cas de tutelle à la personne et d’habilitation familiale, c’est la personne en charge de la protection ou la personne habilitée qui, seule, représente le majeur protégé, « y compris pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à son intégrité corporelle ». Désormais, sauf urgence, le juge ne sera plus saisi qu’en cas de désaccord entre le majeur et la personne en charge de sa protection, pour trancher la difficulté qui s’est élevée et dont il est saisi.
Cette précision était dans la pratique attendue. Ainsi les dispositions relatives à la tutelle sont clairement établies et l’ambiguïté dans laquelle le législateur avait pu placer les mandataires judiciaires à la protection des majeurs laissant, s’ils l’estimaient apte à consentir, le soin pour le majeur sous tutelle de donner son consentement, n’a plus lieu d’être, puisque la loi du 23 mars 2019 précise clairement que seule la personne en charge de la protection du majeur protégé sous tutelle ou la personne habilitée représente ce dernier Y COMPRIS POUR LES ACTES PORTANT GRAVEMENT ATTEINTE A SON INTEGRITE CORPORELLE. En ce sens, il faut entendre les interventions chirurgicales, notamment, mais aussi, plus largement, avec l’expression “y compris”, tous les actes médicaux.
Cela est enfin une heureuse mesure car comment les établissements de santé et médico-sociaux et les majeurs protégés pouvaient-ils aboutir à une intervention chirurgicale en l’absence du seul consentement juridiquement opposable et valable : celui du représentant légal ou celui de la personne chargée de la protection du majeur. Rappelons que le mineur et le majeur placé sous tutelle font l’objet d’une représentation de la part de cette personne qui, seule, peut donner un consentement libre et éclairé.
Dès lors, l’accès aux soins est ainsi facilité, par rapport aux précédentes règles qui n’étaient pas au paravant claires ni pour les majeurs protégés, ni pour les tuteurs, ni pour les médecins.
Par ailleurs, comme le souligne justement la Circulaire de présentation de l’entrée en vigueur des dispositions civiles de la Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la notion d’”acte médical grave”, n’a jamais pu être définie. Avant la Loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019, une autorisation pouvait être demandée au juge pour une opération chirurgicale même lorsque le majeur, le représentant légal ou la personne chargée de sa protection et le médecin étaient d’accord sur le principe de l’opération. Quelle était alors la plus-value du juge dans une telle situation? Quelles connaissances médicales pouvaient lui permettre d’aller à l’encontre de la décision prise par un médecin et acceptée par le patient, et /ou par son représentant légal ou la personne chargée de sa protection? Le recours au juge est désormais limité aux seuls cas de désaccord pour déterminer qui, du majeur protégé ou de son tuteur, peut prendre la décision.
Ce mouvement de déjudiciarisation se retrouve également dans ces mêmes textes dans un autre domaine médical, celui de l’assistance médicale à la procréation.
_________________________
La procédure de recueil du consentement du couple ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneurs ou avec accueil d’embryon
L’intervention renforcée du notaire en matière de recueil du consentement du couple ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneurs ou avec accueil d’embryon
L’article 6 de la Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice confie désormais au seul notaire, et non plus au juge ou au notaire, le soin de recueillir le consentement du couple ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneurs prévu par l’article 311-20 du Code civil (VI à VII) et de recueillir le consentement du couple ayant recours à une assistance médicale à la procréation avec accueil d’embryon prévu par l’article L.2141-6 du Code de la santé publique (VIII), et ce dès l’entrée en
vigueur de cette loi.
Ces dispositions étant d’application immédiate, c’est-à-dire dès le lendemain de la publication de la loi, les justiciables doivent désormais s’adresser au seul notaire pour la délivrance des actes de notoriété ou le recueil de leur consentement à compter de cette date.
De même, le juge, saisi d’une demande d’autorisation d’accueil d’embryon introduite avant l’entrée en vigueur de la loi doit rendre une décision de non-lieu à autorisation.
Le juge saisi d’une demande d’établissement d’un acte de notoriété ou de recueil de consentement à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ou avec accueil d’embryon devra rendre une décision d’incompétence, ces actes étant désormais confiés au seul notaire.
Là aussi une simplification et une déjudiciarisation étaient les bienvenues puisque ne l’oublions pas le notaire retrouve sa place de "conseillé privé des familles”.
Marie-Thérèse PAIN
_________________________
Un majeur placé sous tutelle dispose t-il aujourd'hui du Droit de vote ?
La réponse à cette question a longtemps été laissée à l’appréciation des juges des tutelles. Désormais elle est affirmative.
Jusqu’au 24 mars 2019, lorsqu’il ouvrait ou renouvelait une mesure de placement sous tutelle, le juge des tutelles statuait sur le maintien ou la suppression du droit de vote des majeurs placés sous ce régime de protection. Ainsi, plus de 350 000 Français étaient soumis à une évaluation de leur capacité électorale. Un quart à un tiers d’entre eux se voyaient privés, de ce fait, de leur droit de vote.
Aujourd’hui, l’adoption des articles 11 et 109-IV de la Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice prévoyant l’abrogation immédiate de l’article L.5 du Code électoral, interdit dorénavant de priver les majeurs en tutelle de leur droit de vote et permet aux majeurs qui en ont été privés préalablement, d’être de nouveau titulaires de ce droit, et ce dès l’entrée en vigueur de la loi. Ce texte a été rendu applicable dès le dernier scrutin des élections européennes de 2019. Il a été complété par l’article 3 du Décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019 portant sur diverses dispositions de coordination de la Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en matière de protection juridique des majeurs, de changement de régime matrimonial, d'actes non contentieux confiés aux notaires et de prorogation de l'attribution provisoire de la jouissance du logement de la famille et mesure relative à la reconnaissance transfrontalière des décisions de protection juridique des majeurs (L. n° 2019-222, 23 mars 2019) publié au Journal Officiel de la République française (JORF) et entré en vigueur dès le 25 juillet 2019.
A titre d’information, il convient de distinguer le droit de vote, dont bénéficie tout citoyen sauf à en être privé sur le fondement d’une disposition législative (article L.2 du Code électoral), comme c’était le cas par l’évaluation faite par le juge des tutelles pour les majeurs placés sous tutelle, de l’exercice effectif de ce droit, qui suppose l’inscription sur la liste électorale de la commune de son lieu de résidence par l’électeur, condition induispensable à l’exercice de ce droit.
Il est dès lors très vivement conseillé de prévoir une information auprès des majeurs placés sous tutelle, mais également de leur famille ou des personnes chargées d’exercer la mesure de protection afin qu’ils en avisent le majeur concerné.
L’inscription sur une liste électorale est une démarche volontaire des électeurs. Les articles L.11 et L.12 du Code électoral, telles qu’issus des dispositions de la Loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales, indiquent expressément que ce sont les électeurs qui sollicitent leur inscription sur la liste électorale d’une commune.
Le majeur protégé pourra procéder à son inscription auprès de la mairie du lieu de son domicile réel, « personnellement ou par l'intermédiaire d'un mandataire, muni d'un mandat écrit», qui peut être son tuteur familial ou son mandataire judiciaire à la protection des majeurs, par correspondance ou par internet. Les directeurs d’établissements médico-sociaux dans lesquelles habitent des majeurs sous tutelle ne semblent pas disposer de cette prérogative, malgré leur obligation de protéger les intérêts des personnes résidant dans leurs structures.
L’exercice proprement dit du vote, c’est-à-dire la participation au scrutin, en personne ou au moyen d’une procuration, est un acte personnel nécessitant d’être accompli par le majeur lui-même. La personne placée sous tutelle pourra donc voter elle-même ou donner procuration dans les conditions du nouvel article 72-1 du Code électoral, c’est-à-dire au tuteur familial ou à tout autre proche sauf les personnes mentionnées à ce nouvel article : les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, les employés ou bénévoles intervenant dans les services ou structures d’accueil ou d’hébergement, les services d’aide à domicile…, bref à tout professionnel. Ces tempéraments sont prévus pour garantir que le vote reste personnel et ainsi assurer le principe de sincérité du scrutin, du moins peut-on l’espérer.
Par cette mesure, le législateur étend le nombre d’actes personnels que peut accomplir seul un majeur sous tutelle. Le droit de vote vient ainsi rejoindre la catégorie des actes strictement personnels prévus à l’article 458 du Code civil selon lequel : “Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée.
Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant.”
On fera remarquer que le droit de vote, prévu par la Loi de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice, vient accroître le respect de la dignité de la personne placée sous tutelle au risque de banaliser cette mesure de protection qui, selon le principe de subsidiarité, ne doit être qu’exceptionnelle. Il est enrichi en ce sens par l’article 10 de cette loi qui renforce l’autonomie de la volonté des majeurs protégés pour les actes personnels que sont le mariage, le partenariat civil de solidarité et le divorce. En ce qui concerne ces derniers actes, à l’autorisation préalable du juge sera désormais substitué un droit d’opposition élargi de la personne chargée de la mesure de protection si elle estime que l’acte est contraire aux intérêts du majeur protégé.
Marie-Thérèse PAIN
_________________________
Le consentement du malade et le secret partagé et commun
Parmi les questions posées par les praticiens du soin il en est une qui est particulièrement récurrente : Quelle différence existe-t-il entre la notion de secret partagé et celle de secret commun ?
S’intéresser à cette problématique concrète à laquelle sont confrontés les soignants au quotidien est d’autant plus importante que si le législateur a tenté en 2002, puis en 2016, d’apporter des réponses, il n’a pas répondu pour autant à cette question de façon claire, complète et précise.
Dès lors, afin de clarifier les notions de façon synthétique nous vous proposons d’examiner les deux notions de secret afin d’en dégager les différences et les conséquences.
Par exception à l'article 226-13 du Code pénal qui dispose que les informations à caractère secret relèvent du secret professionnel et que la révélation de ces informations par un professionnel qui en est tenu soit par sa profession, soit par sa fonction ou soit par sa mission, même temporaire, est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, les professionnels qui interviennent auprès d'une même personne, patient ou résident, ou auprès d'une même famille, dans le cadre sanitaire, médico-social ou social, sont autorisés à partager entre eux des informations à caractère secret, afin d'évaluer sa situation, de poser un diagnostic, de déterminer les actions médicales et ou sociales nécessaires à mettre en œuvre.
S'agissant d'exceptions à l'obligation de respecter le secret professionnel, les conditions posées par le législateur doivent être envisagées et interprétées de façon stricte sous peine de risquer constituer une violation au secret professionnel.
La notion de secret professionnel partagé a été mis en place par la Loi Kouchner du 4 mars 2002. A cette époque, la loi prévoyait un partage d’informations uniquement entre les professionnels de santé (soit au sein de l’établissement, soit à l’extérieur de celui-ci).
Depuis la Loi santé de 2016, la distinction se fait au niveau de l’équipe de soins et prend en considération la notion de professionnels qui participent directement à la prise en charge du patient ou du résident par sa fonction ou par sa mission même temporaire.
La notion d’équipe de soins est définie par l’article L 1110-12 du Code de la santé publique selon lequel,« l'équipe de soins est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d'un même patient à la réalisation d'un acte diagnostic, thérapeutique, de compensation du handicap ou de prévention de perte d'autonomie, ou aux actions nécessaires à leur coordination, et qui :
´ 1° Soit exercent dans le même établissement de santé, ou dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, ou dans le cadre d'une structure de coopération, d'exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;
´ 2° Soit se sont vu reconnaître comme ayant la qualité de membre de l'équipe de soins par un médecin auquel le patient a confié la responsabilité de la coordination de sa prise en charge ;
´ 3° Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la santé. » ;
´ Conséquences : pour examiner les modalités d’application du secret partagé il convient de distinguer deux situations :
• Le secret partagé au sein d’une même équipe de soins
Les professionnels, de santé ou non, appartenant à une même équipe de soins, PEUVENT « partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par le patient à l'ensemble de l'équipe ». L’accord de la personne n’est donc ici pas exigé (=/= au secret commun!) : le fait d’être pris en charge par une équipe de soins fait qu’elle accepte tacitement un aussi large partage des informations la concernant.
• En dehors de l’équipe de soins
´ A contrario le partage d'informations nécessaires à la prise en charge d'une personne, entre des professionnels ne faisant pas partie d’une même équipe de soins requiert le consentement préalable du patient, ou du résident, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée (Le recueil du consentement sera alors inséré dans son dossier médical électronique).
´ Dans ce cas, l’objet de l’échange et l’identité du destinataire n’ont pas obligatoirement à être transmis au patient ou au résident.
Le secret partagé peut également exister :
´ Avec les membres de la famille par un médecin, dans un contexte particulier, sauf opposition du malade. Ainsi, en cas d’affection grave ou fatale ou de risque de contamination, de contagion, le Code de déontologie médicale autorise le médecin à révéler à la famille une information médicale, alors que le malade peut être laissé dans l’ignorance.
´ On considère qu’il y a consentement présumé du malade de par la présence de la famille à son chevet. Le patient ou le résident peut toujours exercer son droit d’opposition dans ce cas précis également.
´ Les objectifs visent ici à faciliter les soins à donner ou à agir dans un objectif de santé publique
□ Avec les organismes sociaux : les formulaires à remplir pour les organismes sociaux se font selon des règles strictes afin de ne rien dévoiler d'important.
D'où l'utilisation fréquente de codes.
□ Pour les infirmières : sur les formulaires de sécurité sociale ne :
■ jamais indiquer la nature de l'affection
■ les soins doivent être désignés par lettre clé et son coefficient.
■ pas faire connaître sur les documents comptables (qui relèvent de l’administration fiscale) les noms des personnes qui ont recours à leurs soins.
´ Au sein d’une même équipe de soins, le partage d’information est une possibilité, mais ne doit pas être automatique.
´ De plus, selon l’article L 1110-4 du Code de la santé publique, si le patient ou le résident n’est pas systématiquement informé de tout partage d’informations la concernant (ce qui est le cas lorsque ce partage se fait entre professionnels d’une même équipe de soin), elle doit, dans tous les cas, être informée qu’elle « peut exercer, à tout moment, son droit d'opposition à l'échange » et ce quelle que soient les circonstances. Précisons que ce droit peut être exercé par toute personne mineure ou majeure.
La notion de secret commun
´ Il faut souligner que dans le cas particulier de l’équipe médicale, le secret médical se trouve nécessairement mis en commun par toute l’équipe soignante même si, à l’origine, le patient ne s’est confié qu’à l’un des praticiens et que celui-ci décide pour des raisons de bonne prise en charge du patient ou du résident de lever le secret ainsi confié. Aux termes de l’art. L.1110-4 al 3 CSP en effet, « lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputés confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe ».
´ Il s’agit alors d’un « secret commun » aux membres de l’équipe et non d’un secret partagé entre praticiens qui auraient la maîtrise de l’intimité du patient.
´ Parce que ce secret est censé être confié par le malade ou le résident à l’ensemble de l’équipe, c’est ce qui explique, qu’en cas de violation du secret professionnel commun, ce sera l’ensemble de l’équipe qui pourra voir sa responsabilité engagée.
Marie-Thérèse PAIN
le 6/10/22
_________________________